Se battre pour les vivants pendant COVID-19

Se battre pour les vivants pendant COVID-19

By Ambet Yuson


28 April 2020 15:28

Les temps sont difficiles car les pays prennent des mesures sans précédent pour ralentir la transmission de COVID-19. De nombreux pays sont confinés. Dans d'autres pays, les restrictions sont moins nombreuses. Il y a une prise de conscience générale de la crise mondiale de la santé publique et des informations de base sur ce qui est nécessaire pour réduire les risques. On nous a dit que nous devons changer de comportement pour limiter les interactions et les contacts, même avec la famille et les amis, ce qui peut être pénible et perturbateur.  


L'activité économique mondiale a ralenti, mais dans de nombreux pays, nos membres travaillent toujours sur des chantiers de construction et nos affiliés de l'IBB travaillent dur pour assurer leur sécurité. Par exemple, certains affiliés, tels que IF BAU en Allemagne et UOCRA en Argentine, ont élaboré des resources pour l'industrie et les travailleurs de la construction, basées sur des directives nationales et internationales pour les travailleurs en matière de santé et de sécurité sur le lieu de travail, y compris sur les pratiques d'hygiène personnelle et du travail qui sont nécessaires pour prévenir la propagation du nouveau coronavirus. Ces pratiques comprennent le lavage fréquent des mains, la distanciation physique, où les travailleurs sont censés rester à deux mètres les uns des autres, ainsi que la garantie que les aires et les outils de travail sont régulièrement désinfectés 


Au fil des ans, les syndicats se sont battus et ont obtenu des droits internationalement reconnus des travailleurs à un environnement de travail sûr. On attend des employeurs qu'ils fassent respecter ces droits, qui sont inscrits dans la loi de la plupart des pays. Ces lois et règlements exigent des employeurs qu'ils maintiennent un environnement de travail sûr dans lequel les travailleurs ne sont pas exposés à des risques pour leur santé et leur sécurité. L'IBB, ainsi qu'un certain nombre de ses affiliés, dont ceux de Malaisie et de Maurice, demandent aux gouvernements de reconnaître la COVID-19 comme une maladie professionnelle. Un tel statut protégerait les droits liés aux mesures préventives pour éviter d'être infecté et aux protections si la maladie est contractée ainsi qu'à la définition des responsabilités du gouvernement et des employeurs. 


En tant qu'IBB, nous avons défendu la Convention 167 de l'OIT sur la sécurité et la santé dans la construction, qui prévoit des droits à des mesures de prévention et de protection, notamment le droit de prendre toutes les précautions appropriées pour garantir que tous les lieux de travail sont sûrs et sans risque de blessure pour la sécurité et la santé des travailleurs. Elle garantit également qu'un travailleur a le droit de se mettre hors de danger lorsqu'il y a de bonnes raisons de croire qu'il existe un danger imminent et grave pour sa sécurité ou sa santé.  


La convention stipule que le maître d'œuvre est le principal responsable de la santé et de la sécurité sur un chantier de construction, que les travailleurs ont le droit de participer à la détermination des procédures et des méthodes de travail et de contrôler les équipements susceptibles d'affecter la sécurité des conditions de travail. Une telle convention s'avère utile pour articuler non seulement les droits et les responsabilités, mais aussi les conditions de travail qui devraient être en place, encore plus pendant la pandémie, y compris l'accès à un assainissement adéquat. La convention 167 a été ratifiée par 32 pays en près de 20 ans qu'elle est en vigueur et le moment est peut-être venu de renforcer nos efforts en tant qu'IBB, en travaillant avec nos affiliés pour exiger la ratification de la convention par un plus grand nombre de pays.  


Avec COVID-19, le maintien d'un environnement de travail sûr signifie qu'un travailleur qui ne se sent pas bien doit être renvoyé chez lui et, s'il présente des symptômes, il doit être isolé pendant une période de 14 jours sans perte de salaire. Si les salaires ne sont pas garantis pour les jours de quarantaine et de maladie, alors, quelles que soient les politiques et les recommandations du gouvernement, les travailleurs sans moyens peuvent être contraints de travailler, ce qui les exposera, eux et d'autres, au virus. Des syndicats tels que ‘ETU’ en Nouvelle-Zélande ont produit des informations pour les travailleurs concernant les congés à la suite de la COVID-19. Les syndicats ont un rôle essentiel à jouer pour assurer la protection des travailleurs de la construction, leur formation sur les mesures de sécurité et leur mise à jour avec les dernières informations


La pandémie de COVID-19 crée beaucoup d'incertitude et les situations continuent d'évoluer très rapidement, ce qui a un impact sur la santé et la sécurité. Les employeurs, ainsi que les travailleurs et leurs syndicats, doivent donc agir rapidement pour modifier les pratiques en matière de santé et de sécurité afin de se conformer aux mesures conseillées par les autorités de santé publique et d'autres ministères, et se tenir au courant de l'évolution des normes locales et internationales qui sont élaborées à mesure que nous en apprenons davantage sur la maladie.  


Les syndicats doivent être impliqués dans la mise en œuvre des changements gouvernementaux ou négociés, et travailler avec les employeurs et les travailleurs pour garantir le respect des règles modifiées en matière de sécurité et de santé. Cela a été le cas pour CFMEU qui a partagé des directives pour l'industrie du bâtiment et des directives sur les chantiers pour les travailleurs ainsi que d'autres informations pour les membres sur COVID-19 sur les questions fréquemment posées.  


Les affiliés de l'IBB travaillent dur pour s'assurer que les chantiers sont évalués afin d'identifier et de gérer les risques sur le lieu de travail afin de réduire l'exposition des travailleurs à cette nouvelle menace. Il peut s'agir de réduire le nombre de travailleurs présents en même temps sur le site, de prévoir une rotation des postes de travail, d'échelonner les pauses-repas et de maintenir les installations telles que les toilettes et les salles de pause désinfectées, et d'exiger des travailleurs qu'ils portent des équipements de protection individuelle tels que des masques ou des respirateurs. De nombreux affiliés, tels que l'affilié britannique Unite, ont élaboré des ressources éducatives sur COVID-19 à l'intention des responsables syndicaux et des représentants SST des travailleurs.


À l'IBB, nous sommes particulièrement préoccupés par la santé et la sécurité des travailleurs vulnérables dont la situation est devenue encore plus précaire pendant la pandémie. Beaucoup de ces travailleurs se trouvent dans le sud, où les travailleurs de la construction sont pour la plupart informels et travaillent comme journaliers. Nos affiliés, par exemple en Inde, au Ghana, en Indonésie et au Perou, sont aux prises avec la question de savoir comment obtenir des informations sur la santé et la sécurité et comment protéger ces travailleurs pendant la pandémie. 


Nous sommes également préoccupés par les travailleurs migrants du monde entier qui sont vulnérables non seulement sur leur lieu de travail mais aussi dans leurs logements, qui sont généralement surpeuplés, ce qui rend difficile la lutte contre la propagation du virus. Avec nos affiliés, nous suivons de près l'impact sur les travailleurs migrants de la construction dans des pays comme la Malaisie et Singapour. Nous sommes également préoccupés par les travailleurs migrants dans les États arabes du Golfe persique et avons envoyé des lettres aux gouvernements du Golfe, où nous avons demandé que de bonnes mesures de santé et de sécurité soient mises en place pour protéger les travailleurs migrants. En particulier, l'IBB a porté son attention sur les travailleurs migrants au Qatar dans le cadre de projets d'infrastructure pour la Coupe du monde de la FIFA 2022, où nous avons conclu un accord pour des inspections conjointes.  


La nature des travaux de construction est intrinsèquement dangereuse et les affiliés de l'IBB prennent déjà très au sérieux la santé et la sécurité. Les syndicats de la construction sont des leaders en matière d'inspection du travail pour des lieux de travail sûrs. L'inspection des chantiers en activité est encore plus importante pendant la pandémie et les syndicats, y compris ceux 'Asie centrale et d'Europe de l'Est , indiquent que cette question est au cœur de leur réponse. En plus de l'inspection du travail gouvernementale, de nombreux syndicats demandent à leurs représentants de se rendre régulièrement sur les sites pour observer la conformité aux exigences en matière de santé et de sécurité, et demandent aux travailleurs formés à la santé et à la sécurité d'être particulièrement vigilants pendant cette période.  


Si les exigences en matière de santé et de sécurité ne sont pas respectées, les syndicats doivent soutenir les travailleurs qui refusent de travailler dans des conditions dangereuses et même de fermer les sites jusqu'à ce que la conformité soit assurée. Nos affiliés en Belgique CV BiE et CG FGTB ont stipulé dans un accord avec les employeurs le droit des travailleurs de refuser de travailler si un site de travail présente un ou plusieurs cas de COVID-19 ou si un travailleur peut démontrer qu'il fait partie d'un groupe à risque. Les Métallurgistes unis du Canada (USW) ont produit des ressources spécifiques sur le droit de refuser de travailler pendant la pandémie de COVID-19.


Bien que de nombreux pays aient fermé des chantiers de construction à quelques exceptions près, certains ont continué malgré les fermetures dans d'autres secteurs économiques. Il n'y a pas eu de fermeture de sites aux Pays-Bas où FNV-Bouwen en Wonen a récemment conclu un accord accord avec les employeurs du secteur de la construction sur la manière de gérer les risques COVID-19. Dans la plupart des pays, la construction va reprendre dans les semaines et les mois à venir. Les syndicats ont réfléchi à la manière dont cela peut se faire en toute sécurité, et des négociations, parfois difficiles, ont eu lieu avec les employeurs et les gouvernements. C'est ce qu'ont signalé nos affiliés en Italie et FranceItalie et en France, où les travaux de construction de grands projets d'infrastructure ont repris. Il est important que les travaux commencent dans des conditions sûres et que les précautions nécessaires, y compris les dispositifs de protection individuelle et les tests, soient prises pour minimiser le risque d'exposition et que les systèmes de santé publique puissent faire face à de nouvelles situations.  


Il est également important que les travailleurs soient psychologiquement prêts à retourner au travail pendant la pandémie. Le TUC britannique a réalisé une étude qui prend en compte la santé mentale et le bien-être des travailleurs qui se préparent à retourner au travail hors de leurs domiciles. La coopération entre les travailleurs est nécessaire pour garantir que tous sont en sécurité au travail et que le risque que la maladie se propage aux familles et aux communautés est limité.  

Si des conditions de santé et de sécurité strictes et bien suivies ne sont pas maintenues, l'infection sur le lieu de travail risque de constituer un facteur majeur d’une deuxième vague de la pandémie, ce qui causera des dommages supplémentaires à la santé et à l'économie, comme cela s'est déjà produit dans quelques pays. Les protections nécessaires sont multiples. Elles comprennent la protection de la santé de tous les travailleurs et de la population, les salaires et la protection des travailleurs, et l'avenir de l'industrie.


Dans le cadre de sa campagne pour la Journée internationale de commémoration des travailleurs, l'IBB a demandé à ses affiliés de s'unir pour commémorer nos morts et lutter pour les vivants. Aussi longtemps que nous devrons endurer cette pandémie dévastatrice, nous resterons engagés à soutenir nos affiliés dans leur lutte pour prévenir la propagation de COVID-19 sur le lieu de travail et pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs ainsi que les moyens de subsistance et le bien-être des travailleurs et de leurs communautés.