29 January 2025

décembre : Suivre la voie du courage de Munir

Par : Khamid Istakhori

*Cet article est apparu pour la première fois sur Koran Tempo le 10 décembre 2024.

Si Munir était encore parmi nous aujourd'hui, il aurait 59 ans.

L'Aksi Kamisan du 5 septembre 2024 a eu lieu en face du palais présidentiel indonésien. Aksi Kamisan est une manifestation hebdomadaire qui se tient tous les jeudis soirs pour exiger que le président indonésien tienne sa promesse de retrouver les militants qui ont été enlevés sous le régime du Nouvel Ordre.

"Courageux". Parmi les nombreux souvenirs de Munir, le mot "courageux" est celui qui décrit le mieux son caractère. Le courage de Munir était évident dès ses débuts en tant que militant des droits de l'homme à Java Est. Il a dû faire face à la terreur et à l'intimidation incessantes de ceux qui se sentaient menacés par son activisme. Courageux est un titre que Munir mérite sans aucun doute - un courage né d'un calcul minutieux, du bon sens, de la détermination et de la capacité à prendre une position de principe.

Sa loyauté inébranlable envers la vérité et la justice a propulsé Munir au premier rang des défenseurs des victimes marginalisées, exilées ou tuées par l'État. Il est devenu la voix des opprimés, des travailleurs, des pauvres et des victimes de violations des droits de l'homme, critiquant sans crainte les abus de pouvoir de l'État. Le courage de Munir reste son plus grand héritage pour ceux qui partagent ses valeurs et ses principes.

Munir a dit un jour : "Ah, chaque travail comporte des risques. Si vous pouvez les éviter, faites-le, mais si vous ne le pouvez pas, vous devez les affronter. L'important est de rester intelligent. Si nous avons peur, ils auront gagné parce que leur objectif aura été atteint".

Cette déclaration puissante souligne la conviction de Munir qu'il faut résister à la peur, car elle dissuade les gens de se battre pour la justice. Il a déclaré un jour : "Je dois rester calme, même si j'ai peur, pour que les autres n'aient pas peur".

Les paroles de Munir ont servi de cri de ralliement, inspirant ses camarades et les victimes qu'il soutenait à rester fermes face aux menaces. Le choix n'a jamais été facile, mais il était nécessaire.

L'épouse de Munir, Suciwati, a renforcé ce sentiment lorsqu'elle a lancé le livre Mencintai Munir (Aimer Munir) à Jakarta il y a deux ans, pour commémorer le 18e anniversaire de son assassinat. Le livre raconte le prix ultime payé par Munir pour son courage : il a été assassiné à bord du vol GA-974 de Garuda Indonesia reliant Jakarta à Amsterdam le 7 septembre 2004, empoisonné à l'arsenic.

Suciwati a réfléchi aux défis auxquels sont confrontés les défenseurs des droits de l'homme, en particulier sous des régimes hostiles aux droits de l'homme : "Le courage est essentiel face aux menaces - ne pas avoir peur et ne pas reculer", a-t-elle souligné.

Pour le mouvement syndical indonésien, le courage de Munir a été déterminant dans la lutte contre le meurtre de Marsinah en 1993. Marsinah, militante syndicale à l'usine de montres Catur Putra Surya dans l'est de Java, a été torturée et assassinée après avoir mené une grève. Avec d'autres défenseurs des droits de l'homme, Munir a plaidé sans relâche en faveur de la justice, défiant le puissant commandement militaire de Brawijaya V et mettant au jour l'implication présumée de l'armée dans la mort de Marsinah.

Bianto, militant syndical et collègue de Munir pendant l'affaire Marsinah, se souvient de l'immense pression à laquelle ils étaient confrontés. Bianto a fait remarquer un jour que la mort semblait inévitable, qu'elle n'était qu'une question de temps. Munir a répondu en plaisantant : "Aku dhisik rapapa, Mas" ("Ce n'est pas grave si je meurs en premier, mon frère"). La bravoure de Munir, associée à son acceptation des risques, illustre son engagement inflexible en faveur de la justice.

Aujourd'hui, le 8 décembre 2024, l'Indonésie a terminé ses élections générales et un nouveau dirigeant a été choisi, mais le peuple reste accablé par l'anxiété et l'oppression. Les ouvriers d'usine et les travailleurs des projets d'infrastructure endurent des salaires médiocres et des conditions d'exploitation en vertu de lois régressives. Les agriculteurs sont déplacés pour des projets nationaux, perdant leurs terres et leurs moyens de subsistance. Les enseignants honoraires travaillent de longues heures pour un maigre salaire, tandis que les pêcheurs luttent contre l'augmentation des coûts qui les empêche de prendre la mer.

Ce jour-là, le ciel de Jakarta est lourd, non seulement de pluie, mais aussi du poids de l'incertitude. Des ouvriers, des agriculteurs, des pêcheurs, des enseignants et d'innombrables autres personnes témoignent d'un système qui les laisse tomber. Dans ces luttes, nous trouvons des échos de Munir.

Dans les forêts de Papouasie, son plaidoyer en faveur des peuples indigènes perdure. À la frontière entre l'Indonésie et la Malaisie, sa défense intrépide des travailleurs migrants perdure également. Dans les usines surpeuplées et les bidonvilles, la voix de Munir résonne, réclamant justice. Même au palais présidentiel, des traces de Munir subsistent - un héritage de résistance à l'oppression, marqué par des effusions de sang mais inébranlable.

En ce 8 décembre, je marche vers l'est, à la recherche de réponses : Pourquoi Munir a-t-il été tué? Près de sa tombe, je fais une prière, faisant la paix avec le destin divin, bien que la blessure demeure - une douleur vive et persistante. En ce jour, qui marque le 59e anniversaire de Munir, nous allumons un feu en sa mémoire, jurant de ne jamais le laisser s'éteindre.

Si Munir était vivant aujourd'hui, il aurait 59 ans.

Bandung-Jakarta, 8 décembre 2024. Commémoration du 59e anniversaire de Munir et de la Journée internationale des droits de l'homme.

Notes :

  • Munir était un défenseur des droits de l'homme et un défenseur du travail en Indonésie, veuillez lire son histoire sur ce lien : En souvenir de Munir - Inside Indonesia : Les peuples et les cultures d'Indonésie
  • Cet article a également été publié dans Tempo, un média de premier plan à Jakarta : https://www.tempo.co/kolom/mengenang-keberanian-munir-1179296